L’évangile de Judas
Découverte et publication du manuscrit.
Un évangile encore inconnu vient d’ être publié partiellement en anglais par le National géographic sociéty à Washington le 5 avril 2006. Il est publié en allemand et en français. Cet évangile est signé "Judas", mais comme bien des textes de la Bible, il n’a pas été rédigé par celui dont il porte le nom.
La découverte du manuscrit sur papyrus s’est faite dans une grotte du désert de haute Égypte dans les années 70. Il comporte 25 feuillets en assez mauvais état. Il est passé de main en main dans le monde trouble des antiquaires. En 2001, Mario Jean Roberty achète le document pour la Fondation Maecenas, de Bâle, qu’il dirige. Il confie l’étude du texte à une équipe de chercheurs sous la direction du professeur Rodolphe Kasser, Le texte a été authentifié par la datation au carbone 14 et par l’analyse de l’encre du manuscrit. Le manuscrit est écrit en copte dialectal, l’antique langue des chrétiens d’Égypte. Il a été restauré et traduit par Rodolphe Kasser ancien professeur de coptologie à l’université de Genève.
Origine de L’Évangile de Judas
L’origine de cet évangile remonte au milieu du 2ème siècle. Le manuscrit est du 3ème ou du début du 4ème siècle. Le texte copte est une traduction d’un texte grec perdu composé entre 130 et 180 après J.C. Il était connu par St Irénée, premier évêque de Lyon, vers l’an 180. Celui ci en parle dans son traité "Contre les hérésies" en dénonçant le caractère hérétique de cet évangile qui est inspiré par le gnosticisme.
Selon Irénée, l’évangile de Judas serait l’oeuvre principale d’une secte appelée « Les Caïnites » (les héritiers de Caïn). En parlant de cette secte, Irénée a écrit : « ils déclarent que le traître était bien avisé de ces choses, et que lui seul, connaissant la vérité comme aucun autre, a accomplit le mystère de la trahison. Ils ont produit une histoire fictive de ce genre, qu’ils ont appelé l’évangile de Judas ».
Doctrine de l’évangile de Judas
Le récit de l’Évangile de Judas
Le texte débute par ces mots : « Voici la révélation que Jésus a faite à Judas trois jours avant la Pâques. » Le récit de l’évangile de Judas commence par montrer Jésus qui rejoint ses disciples en train de prépare la cérémonie. Jésus rit de leur attitude, mais ils ne comprennent pas, sauf Judas qui lui dit : "Je sais qui tu es et d’ou tu viens, du royaume immortel de Barbelo". Voyant que Judas était prêt à être illuminé, Jésus le prend à part. Il lui enseigne les mystères du Royaume et lui annonce qu’il sera maudit par les chrétiens.
A une autre occasion, les disciples racontent à Jésus une vision qu’ils ont eue : un immense autel avec des prêtres qui accomplissent des abominations. Jésus leur répond de cesser les sacrifices. Puis Judas raconte à Jésus la vision qu’il a eu : les autres disciples le persécutaient. Il interroge Jésus sur son destin personnel et Jésus lui répond qu’il sera maudit à travers les générations.
Il révèle alors des secrets sur l’origine du monde. Un ange lumineux et divin nommé Adamas est sorti d’un nuage lumineux et il a créé des myriades d’anges. De ce nuage sont sortis aussi un ange nommé Nébro qui signifie le rebelle et un autre ange Saklas qui a créé Adam et Ève. Ils ne faut pas faire de sacrifice à Saklas.
Le récit de l’Evangile de Judas s’achève d’abord par une parole de Jésus : "Tu surpassera tous les autres, car tu sacrifieras l’homme qui me sert d’habit". Enfin Judas livre Jésus aux grands prêtres et reçoit d’eux la somme promise. Cet évangile ne parle pas de la mort de Judas.
La relation entre Jésus et Judas
Le récit de cet évangile donne une présentation de la relation entre Jésus et Judas différente de celle qui se trouve dans le Nouveau Testament. Il montre Judas comme l’apôtre le plus proche de Jésus, le seul qui ait vraiment compris son message. Cet évangile le présente comme un initié, comme un disciple qui cherche à accéder à des connaissances mystiques sur les origines du Christ et du monde.
Ce récit ne dit pas explicitement que Jésus a demandé à Judas de le livrer, mais une phrase qui va dans ce sens est la parole de Jésus à Judas : "Tu surpassera tous les autres, car tu sacrifieras l’homme qui me sert d’habit". Cette phrase est typique de la conception gnostique qui veut libérer l’énergie vitale du corps matériel dans lequel l’âme est emprisonnée. Cette parole de Jésus montre qu’il accepte que Judas le trahisse et le conduise à la mort. Cette phrase isolée laisse aussi à penser qu’il y avait, dans les parties détruites du manuscrit, d’autres indications sur les rapports entre Jésus et Judas.
La gnose
La gnose est un courant de pensée complexe qui a pris des formes diverses et comporte différents aspects. La gnose est d’abord une philosophie ésotérique ou l’on trouve le salut par l’initiation aux mystères cachés. C’ est aussi une conception dualiste qui oppose l’esprit et la matière qui est mauvaise, en particulier l’âme est emprisonnée dans un corps mauvais.
Pour la gnose, le Dieu véritable est caché aux yeux des hommes par un dieu inférieur créateur du monde, le dieu de la Bible. La gnose rejette donc le dieu de l’Ancien testament qu’elle considère comme un démiurge diabolique. Il est méchant et jaloux. Ce démiurge est responsable de toutes les imperfections du monde. Le monde crée est infecté par le mal, les ténèbres et le péché. Pour la gnose, Jésus est un maître spirituel chargé de guider les hommes vers la connaissance du vrai Dieu caché. Jésus n’est pas le fils du dieu de l’Ancien Testament, mais de Seth, le troisième fils d’Adam. Seth fait partie d’une autre catégorie de divinités, au sommet de laquelle trône Barbelo, un dieu androgyne.
Le mouvement gnostique est apparu au alentour de 70 après J-C et c’est développé jusqu’au 4ème siècle. Il comprend de nombreuses sectes. Le monde chrétien était très divers à ses débuts. Après 313, date ou le culte chrétien est autorisé par l’empire romain, l’Église à écarté les textes gnostiques du canon officiel des textes bibliques et les appelé apocryphes. Beaucoup de manuscrits de ces textes ont peu à peu disparu.
La secte gnostique des caïnites
L’évangile de Judas est l’oeuvre principale d’une secte gnostique appelée « Les Caïnites » (les héritiers de Caïn). Ci-dessous une documentation précise sur cette secte :
Les Caïnites, membres d’une secte apparue vers l’an 159, vénéraient Caïn et les Sodomites, et possédaient un évangile de Judas dans lequel ce dernier était présenté comme un initié ayant trahi Jésus, à sa demande, pour assurer la rédemption de l’humanité. Le 2ème évêque de Lyon, Saint Irénée (v. 130-208) dénonça cet évangile comme hérétique : « ils (les Caïnites) déclarent que le traître était bien avisé de ces choses, et que lui seul, connaissant la vérité comme aucun autre, a accompli le mystère de la trahison. Ils ont produit une histoire fictive de ce genre, qu’ils ont appelé l’évangile de Judas » (Adversus Haereses). Dans son Panarion (1,31), Épiphane de Salamine (v. 315-403) confirme que cet « évangile » fait partie des écritures de la secte gnostique des Caïnites. Les Caïnites avaient pour Judas une vénération particulière et le louaient comme un homme admirable : le plus illustre des fils de Caïn.
Selon les conceptions gnostiques, le créateur, le démiurge, est un dieu mauvais, le malin, responsable de toutes les imperfections du monde. Pour les Caïnites, Judas seul savait le mystère de la création des hommes et c’est pour cela qu’il avait livré le Christ à ses ennemis. Par là il avait rendu un grand service à l’humanité, car le Christ voulait réconcilier les hommes avec le Dieu créateur, alors qu’il fallait, au contraire, envenimer la haine des hommes contre celui-ci. La mort de Jésus devant procurer de grands biens au monde, il avait fait une bonne action en la précipitant.
Une copie de la version plus ancienne rédigée en grec, a été découverte par un paysan près de El Minya dans le désert égyptien en 1978. Elle fait partie d’un papyrus d’une soixantaine de feuillets (entre 62 et 66 suivant les sources) appelé « Codex de Tchacos », qui contient également 2 autres textes apocryphes : l’Épître de Pierre à Philippe et la Première Apocalypse de Jacques. L’évangile , écrit en copte dialectal (sahidique), restauré et traduit par Rodolphe Kasser, ancien professeur de coptologie à l’université de Genève, et publié à Washington le 5 avril 2006 par la revue américaine The National Geographic, a été authentifié comme datant du IIIe siècle ou du début du IVe.
Plusieurs sectes antérieures au caïnisme avaient expliqué l’origine du bien et du mal en supposant une intelligence bienfaisante, qui tirait de son sein des esprits heureux, innocents, et une intelligence malfaisante, qui emprisonnait ces esprits dans des organes matériels. Mais d’où venait la différence qui existe entre les esprits et les caractères ? Cette différence restait toujours un mystère, quand, parmi les sectateurs des deux principes, s’éleva quelqu’un qui entreprit de donner cette explication. Selon lui, les deux principes avaient produit Adam et Eve, puis chacun d’eux ayant revêtu un corps, avait eu commerce avec Eve ; de cette union étaient sortis des enfants qui avaient le caractère de la puissance à laquelle ils devaient la vie. Par ce moyen on comprenait la différence du caractère de Caïn et d’Abel et de tous les hommes. Comme Abel s’était montré très soumis au Dieu créateur de la terre, il était regardé comme l’ouvrage d’un Dieu qu’ils appelaient Histère. Au contraire, Caïn, le meurtrier d’Abel, était l’ouvrage de la sagesse et du principe supérieur ; il devait être vénéré comme le premier des sages.
Les partisans de cette doctrine, conséquents avec eux-mêmes, honoraient tous ceux que l’Ancien Testament avait condamnés : Caïn, Esaü, Coré, les Sodomites ; ils les regardaient comme des enfants de la sagesse et des ennemis du principe créateur. Dans leurs livres saints, comme l’Evangile de Judas et le récit de l’Ascension de saint Paul, les Caïnites avaient inséré des choses horribles. Ils prétendaient que la perfection consistait à commettre le plus d’infamies possibles. D’après Théodoret (+ vers 453/458), ils affirmaient que chacune des actions infâmes avait un ange tutélaire qu’ils invoquaient en la commettant. Une femme de cette secte, nommée Quintille, étant venue en Afrique du temps de Tertullien (155-225), s’y fit beaucoup d’adeptes, qui prirent le nom de quintillianistes. Tertullien indique que Quintille avait ajouté des pratiques abominables aux infamies des Caïnites.
En conclusion, le texte donne une interprétation de la trahison de Judas différente de celle des Évangiles canoniques. Mais selon Rodolphe Kasser qui a restauré et traduit le texte, l’Évangile de Judas, qui est du milieu du 2ème siècle, ne donne aucune information historique nouvelle sur l’évènement. C’est une interprétation gnostique postérieure aux événements. Il ne remet pas en question le Nouveau Testament.
Réactions de l’Église
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Documentation sur l’évangile de Judas
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